La petite délégation zollernoise était arrêtée au poste frontière de Flossenberg attendant patiemment l'avis des autorités scanthéloises. Le chef de la mission, le Feld-Maréchal Alexandre de Klausbourg, Baron en Zollernberg, à la fois cousin et beau-frère du Grand-Duc avait quitté tôt le matin son château de Zoorn, dans le Kolstein, laissant à regret son épouse la Princesse Sophie-Charlotte et ses deux filles, les Princesses Louise et Charlotte, âgées de deux et ans au bon soin de la domesticité du château. Le service de la Couronne, et plus encore le rang, exigeait que l'on sacrifiât constamment son repos au bien public.
Alexandre avait été nommé ce jour ambassadeur plénipotentiaire extraordinaire. Ambassadeur sans ambassade territoriale, il avait toutefois hérité d'un poste clé dans la diplomatie zollernoise, celui de chef de la mission diplomatique en Scanthénoisie-Helvétia. Une lourde tâche lui incombait, celle de rétablir les relations du Zollernberg avec son pacifique voisin du Nord. Aussi ce passage au poste frontière était-il crucial. La crise du printemps dernier avait anéanti les patients efforts de la diplomatie. Toutefois, le gouvernement au pouvoir, à l'image du ministre Lemberg, ancien ambassadeur en CSH, pouvait se dire sincèrement scanthélophile. Aussi n'avait-il pas abandonné l'espoir de rétablir des relations sereines et une politique de coopération avec son voisin. En effet, on avait assisté, durant l'été, à des échanges courtois entre les universités d'Aarosia et de Wilhelstaufen. Plus récemment, la jeune Alice Lemberg avait été nommée chargée d'affaire de Zollernberg en Principauté de Freineubourg.
L'ambassadeur venait avec la consigne de poursuivre les projets entamés par le ministre Chesterfield, grand-oncle et mentor de l'actuel Premier Ministre : démilitarisation du Golfe de Locquetas, coopération universitaire,l' adhésion du Grand-Duché au comité de la Croix-Verte. Il portait aussi de nouvelles propositions sur lesquelles le Zollernberg souhaitait s'engager : la connexion des réseaux ferroviaire zollernois et scanthélois par la poursuite du Transterranova, proposition à laquelle tenait beaucoup le Premier Ministre également gouverneur de Kolstein, ou encore l'esquisse d'une Communauté des Etats Nordiques que ce dernier portait avec son Ministre des Affaires Extérieures.
Une inconnue restait encore : la réponse du gouvernement scanthélois aux demandes de visas zollernois.